DEUXIÈME CHAPITRE

LE SIGNE UNIQUE


 
 



Venant d'affirmer, à la suite de Klossowski lui-même, que : "au commencement était le simulacre", et venant de démontrer en quoi ce concept était lié aux notions de stéréotype et de prostitution, il convient de voir comment, dans le continuum oeuvre écrite-oeuvre plastique, ce principe est mis en oeuvre.
 

Pour ce faire nous nous fonderons d'abord sur l'oeuvre écrite, puisqu'elle initie l'oeuvre plastique de Klossowski, ainsi que nous l'avons posé dès le chapitre liminaire. Nous nous fonderons aussi, sur la démarche sémiostylisque, définie, dans le même chapitre, à partir des fonctifs de Hiemslef et de la théorie actantielle de Georges Molinié. Aussi faudra-t'il accepter que notre démarche opère un va-et-vient entre forme et substance de l'expression et forme et substance du contenu. Enfin, nous poserons comme postulat de cette démonstration, l'affirmation même de Klossowski en tête de la postface de Les lois de l'hospitalité :

" Au sortir d'une période où je fus ramené trois fois de suite au même thème dont résultèrent trois variations, [...], il m'arriva d'être bientôt réduit à un signe.

La persistance d'un nom qui en forme le prétexte rend compte à elle seule d'un fond de pensée monotone." (LH p.333. C'est moi qui souligne.)
 

Nous nous efforcerons de démontrer ici que ce "signe unique", Roberte, vaut en fait pour toute l'oeuvre de fiction de Pierre Klossowski, et qu'il en constitue "le simulacre unique".

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Quand on observe les titres et sous-titres des oeuvres de fiction de Pierre Klossowski, écrivain, on constate d'abord que ces oeuvres, au nombre de six, si l'on prend celles publiées comme telles, peuvent être réduites à quatre, puisque trois d'entre elles : La révocation de l'Édit de Nantes, Roberte ce soir, Le souffleur ou un théâtre de société, d'abord publiées séparément pour les deux premières, sont regroupées, précédées d'un exergue et d'un "avertissement" communs, suivies d'une "postface" à l'ensemble, dans un seul volume : Les lois de l'hospitalité.
 

Il suffit alors de lire les premières pages de chaque ouvrage pour constater qu'ils ne constituent que trois séries fictionnelles, puisque les premières lignes de L'adolescent immortel renvoient à la même fiction que les premières lignes de Le Baphomet :

" Valentine de Saint-Vit, dame de Palençay, dont les terres avoisinaient celles de la Commanderie du Temple, jetait depuis longtemps un oeil de convoitise sur ce domaine prospère" (B. Prologue, p. 7, incipit).

et

" Sur une terrasse du manoir de Saint-Vit.

L'émissaire du Conseil Royal.

Le Chapelain du manoir.
 

Le chapelain :

La dame de Palençay m'a chargé de vous accueillir, Messire ; " (AI. Séquence I, p.9, incipit)
 

On voit bien que s'il y a modification de la forme du contenu (passage du narratif au théâtral), il y a permanence de la substance du contenu. Dès le premier syntagme des deux ouvrages, il est fait référence au manoir de Saint-Vit.
 

Nous n'avons donc, pour six ouvrages différents, que trois "histoires" dont on découvre très vite, en poursuivant la lecture qu'il s'agit de celle de Jérôme dans La vocation suspendue ; celle de Roberte dans la trilogie de Les lois de l'hospitalité ; et celle de Ogier de Beauséant dans Le Baphomet, et L'adolescent immortel.
 

Si l'on ajoute à ces six textes de fiction l'ouvrage associé à un essai : Roberte et Gulliver, on constate qu'au lieu d'ouvrir une nouvelle série fictionnelle liée au nom du héros de Swift, il prolonge simplement la série fictionnelle liée à Roberte. Mais si l'on observe plus attentivement ces trois séries fictionnelles, on s'aperçoit que derrière des anecdotes différentes, les figures centrales se ressemblent étrangement.

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D'abord chacune des séries est construite autour d'un couple : Jérôme et soeur Théophile dans La vocation Suspendue, Ogier de Beauséant et le Grand Maître dans Le Baphomet et L'adolescent Immortel, Roberte et Octave dans les trois textes de Les lois de l'hospitalité. On peut certes penser que cette "unité" n'est que thématique : histoires de couples dont les relations sont sexuellement scandaleuses, fantasmatiquement ou "réellement", et qu'une telle lecture réduit la portée des oeuvres, sans les traiter sémiotiquement. Mais, si l'on observe de plus près, certaines variations, diffuses dans les trois séries, on ne peut que constater qu'il existe entre elles une constante sémiotique forte.
 

Considérons d'abord Les lois de l'hospitalité, puisque l'actant émetteurø(1) de la trilogie, construite autour du nom de Roberte, affirme avoir été réduit à un signe, au sortir d'une série de "trois variations" du même thème, ainsi que nous l'avons rappelé en tête de ce chapitre. Avant de le conclure sur les raisons de cette étonnante "métamorphose" de "l'auteur" en "signe", et non plus en "singe"(2), qui nous paraît confirmer certaines thèses de Georges Molonié, voyons d'abord comment l'ensemble des oeuvres peut se lire sous le "signe unique" de Roberte.
 

Cela commence d'abord par une dispersion. Mais ce paradoxe apparent ne fait aussi que confirmer la nature paradoxale du simulacre Klossowskien, justement situé dans "l'entre", dans la "faille", dans la "béance" du suspendu, entre stéréotype et fantasme particulier, entre être et représentation, entre figé et disséminé, entre unique et commun, entre constant et prostitué, entre jouissance et déréliction, entre varié et monotone, entre variant et invariant, ainsi que nous l'avons établi dans le chapitre précédent, et que nous tenterons de l'approfondir ici.

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Ainsi, dans Les lois de l'hospitalité, le couple Octave-Roberte des deux premières variations devient un couple Théodore-Roberte doublé lui-même par un couple Valentine-K., dont la figure féminine est le double, non seulement de Roberte mais d'une étrange Salutiste.
 

Conformément à la théorie exposée au chapitre précédent, c'est la prostitution de cette "Roberte", instable dans ses représentations sociales, à l'hôtel de Longchamp notamment(3), qui constitue le 'lieu" de l'unité de cette première série fictionnelle. Bien que placée sous différents noms, dans des anecdotes à la fois récurrentes et différentes elle garde valeur de "signe unique"(4).
 

Il ne s'agit pas là d'une simple "constante thématique", mais d'une donnée sémiologique. En effet au niveau microstructural, il y a, à la fois, constance et variation de l'expression et du contenu : Ainsi Roberte, Valentine, la Salutiste constituent toujours un "signe" dont l'expression est celui du "féminin", et dont le contenu est toujours "femme prostituable". Seule l'identification des jonctions "forme/substance" du contenu et de l'expression varie en apparence : Roberte, Valentine, la Salutiste, ce qui entraîne une instabilité du signe, et non une variation du thème.
 

On en a la preuve en observant qu'au niveau macrostructural du texte Le Souffleur, ces variations troublent les actants de niveau II, non seulement parce que, constamment, ils attribuent à l'une le nom, c'est à dire "le signe", de l'autre, mais surtout parce que la confusion qui en résulte est telle qu'elle ne peut se dire que par une abérration luiguistique exprimée au niveau actantiel II, mais commentée par l'actant émetteur de niveau I, dont la "voix" plus "narrative"(5) que "narratrice" semble émaner de la "réception" actantielle :

" Roberte s'affaisse sur les genoux. Alors la salutiste se jette sur son personnage et toutes deux roulent sur le plancher. [...] U. me souffla : "Elle est impossible. Séparez-la ! Il ne me dit pas : "Séparez-les !" mais bien : "Séparez-la !" (LHS. p.219. ).
 

Certes, c'est bien au niveau II qu'est attribuée la phrase de confusion prononcée par U., mais c'est bien le commentaire du scripteur de niveau I, tellement choqué qu'il en quitte son rôle actantiel de niveau II, qui confirme le trouble "sémiologique" et la conscience d'un emploi du "signe" contraire à l'usage : dans la "langue normale", le signe "Séparez-la" ne correspond pas à la demande de séparer deux femmes qui se battent, mais à celle d'en couper une en deux. Si le scripteur éprouve le besoin de préciser que cet emploi abérrant équivaut à "Séparez-les", par prétérition en quelque sorte, cela prouve deux faits sémiologiques.
 

D'abord, sur un plan "intra-textuel", le trouble linguistique exprime bien qu'il y a trouble de la perception des actants-personnages(6). Roberte et la Salutiste ne sont plus perçues comme telles, mais comme "signe unique", instable en corps Roberte et en corps Salutiste.
 

Ensuite on a un double effet de la réversibilté de la "praxis d'art".
 

D'abord le trouble des "actants de niveau II" est un simulacre réversible de celui des lecteurs : le commentaire de l'actant émetteur de niveau I fonctionne comme une remontée du niveau du "marché de la lecture", puisqu'il correspond à un besoin d'expliquer au récepteur de niveau I qu'il n'y a pas d'erreur d'usage du signe. Or cette conscience qu'a tout lecteur potentiel de l'usage de sa langue relève de ce niveau du "marché de la lecture", conformément à la théorie sémiologique de Hjelmslef(7) dont la valeur pour cette étude est, elle aussi, "confirmée" de l'intérieur, en même temps qu'elle permettait de réaliser cette démonstration..
 

Ainsi, ce premier fragment étudié permet-il détablir à la fois la pertinence de la méthode choisie et la nature purement sémiologique des "variations" Klossowskiennes, ainsi que leurs premiers effets sur le récepteur et leur ancrage profond dans une "préoccupation de la réceptivité du lecteur"(8), fondée non sur "la communication", mais bien sur "la mise en mouvement [provoquée] à partir de quelque chose d'inéchangeable [...] prononcé à travers un simulacre"(9).

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Une fois établi ce premier constat, poursuivons à un autre niveau macrostructural.

Nous avons dit que la substance du contenu de ce "signe unique" était d'être une femme prostituable. Cette donnée est établie dans les textes de la série fictionnelle "Roberte" par des "lois", qui constituent une nouvelle empirie. Celle-ci précise la nature du "signe unique", non seulement sur le plan d'une substance de contenu invariante : les "lois de l'hospitalité"(10), mais aussi aux plans de la substance de l'expression et de la forme du contenu et de l'expression, au niveau macrostructural, en dépit de signes "microstructurels" "variés".
 

En effet les "lois de l'hospitalité" d'Octave dans Roberte ce soir, ou de K. dans Le Souffleur, sont "écrites", les unes "sur des pages manuscrites qu'il avait fait mettre sous verre et encadrer" (LHR. p. 109), les autres dans "un article" (LHS. p.216), et elles nous sont rapportées par un autre actant que leur auteur : Antoine cite les lois, sans qu'on puisse savoir s'il les recopie ou les récite, et U. lit l'article de K.
 

L'énoncé des lois se situe donc dans un épisode de type narratif où un personnage lit un texte écrit ; et l'actant émetteur de niveau I rapporte, dans les deux cas, ce que lit l'actant émetteur de niveau II, Antoine ou U., qui n'est lui-même que le récepteur d'un texte écrit par un autre actant émetteur de niveau II, Octave ou K..
 

Il y a malgré tout une première variation de forme du contenu et de forme et substance de l'expression entre ces deux énoncés. Antoine est le scripteur de niveau II d'un texte dont on ne sait s'il est son journal rapporté par l'actant émetteur de niveau I, ou le texte-même de cet émetteur de niveau I(11). Mais entre l'annonce par cet émetteur de l'existence de "pages manuscrites qu'il [Octave]avait fait mettre sous verre et encadrer pour les suspendre au mur de la chambre réservée aux visiteurs." (LHR. p.109), et l'écriture de leur contenu, il n'y a que ":". Impossible de savoir si c'est Antoine, émetteur actantiel de niveau II qui les recopie dans son "journal", ou si c'est l'émetteur actantiel de niveau I qui les énonce.
 

En fait cela fonctionne comme si "les tables de la loi" d'Octave étaient affichées dans le texte, au niveau I, à la manière d'un "tableau", ou "dites" au niveau II, par une voix, à la manière d'un énoncé théâtral.
 

Retenons ces deux hypothèses. D'abord, elles renvoient aux deux grands arts du "simulacre" : la représentation plastique et la théâtralité. Ensuite, nous verrons dans les chapitres suivants qu'elles constituent effectivement les formes d'expressions privilégiées de Klossowski, à la fois comme "motifs" des textes, comme procédés de "mise en scène", et comme techniques de variations transémiotiques du "signe" dont nous tentons ici d'établir la "constance" à travers ses variations textuelles.
 

Remarquons pour l'instant que dans l'énoncé concernant l'hôtel de Longchamp, la forme du contenu est plus facile à identifier parce que la forme de l'expression est plus facile à repérer. U. lit un texte écrit par K. et ce texte, introduit par : "Et il commença :" (LHS. p.216), est écrit en italique. Mais cette différence typographique avec le texte de Roberte est accompagnée d'une ressemblance très frappante : tous deux portent un titre écrit en petites capitales.
 

Par leur forme d'expression ils sont donc tous deux clairement isolés du reste du texte, par l'actant émetteur de niveau I. Mais si le texte introduit par Antoine peut être considéré à la fois comme un tableau mis en place par cet actant de niveau I, et lu "théâtralement" par un actant émetteur de niveau II (Antoine ou n'importe quel "visiteur" de Roberte), sans qu'on puisse décider d'une forme de contenu ou d'une autre, le texte lu par U. est, par cette lecture même, théâtralisé au niveau II, tout en étant fixé en "tableau" au niveau I par l'écriture italique qui le distingue du reste de l'oeuvre.
 

La forme du contenu implicitement ambiguë et différente aux deux niveaux actantiels I et II, dans Roberte ce soir, devient donc explicitement ambiguë et différente aux mêmes deux niveaux actantiels I et II dans Le Souffleur.

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Mais cet invariant macrostructural de l'énonciation des "lois de l'hospitalité" se retrouve dans Roberte et Gulliver, selon une double variance / invariance.
 

Une première série de lois est énoncée par Gulliver lui-même,( page 14-20), au contenu apparemment différent dans sa forme, puisqu'il s'agit des lois de l'optique, mais dont la substance demeure puisqu'il s'agit, là encore de "prôner le changement dans la permanence", et une deuxième loi est énoncée, celle du "réglement de l'hôtel", par le gérant qui se plaint de ce qu'il n'est pas respecté, ce à quoi le Doyen répond :

"N'ayez crainte, Monsieur le Gérant, de belles dames

nues

les enfants en ont plein la vue

mais un Gulliver minuscule qui parle

d'une voix du tonnerre

ça ne se voit pas tous les jours !

en sa présence invraisemblable

la pornographie s'en va au diable !" (RG. p.25-26)

Il y a donc bien ici aussi des "lois de l'hospitalité" dont l'énoncé est "disséminé" en trois temps : la loi d'optique qui sera reprise dans la réplique du Doyen qui établit la relation étrange entre un Gulliver minuscule et sa voix du tonnerre ; la loi de l'hôtel énoncée par le Gérant uniquement pour permettre au même Doyen de dire la nouvelle loi liée à la présence de Roberte.
 

Au niveau macrostructural de l'énoncé des "lois de l'hospitalité" qui régissent la prostitution de Roberte, dans ce texte, comme au niveau microstructural des "figures" et des "noms" que prend l'épouse prostituée, il y bien invariance du signe, dans trois de ces fonctifs : forme et substance de l'expression, substance du contenu. Seule la forme du contenu a bougé.
 

Mais cette variation de la forme du contenu ne correspond-elle pas à cette variation de second niveau de la forme de l'expression, qui constitue justement le caractère particulier et paradoxal du "signe unique klossowskien", celle qui lui assure son statut de simulacre, instable et réversible : la capacité à se disséminer.
 

En effet ce qui est frappant dans la forme d'expression de l'énoncé entendu dans Roberte et Gulliver, c'est d'abord son caractère disséminé entre plusieurs énonciateurs d'une manière différente de celle des deux autres textes, qui faisaient dire par un autre actant du niveau II, (Antoine ou U.), le texte écrit par un premier actant de ce niveau, (Octave ou K.). Ici c'est l'ensemble de l'énoncé qui est disséminé entre plusieurs actants du niveau II, (Gulliver, Le Gérant, le Doyen), de sorte que c'est au niveau I de réception que l'on identifie l'ensemble des "lois". Mais cette variation de la forme de l'expression est en rapport avec l'ambiguïté de la forme du contenu que nous avons déjà étudiée pour Roberte et Le Souffleur.
 

Dans le cas de Roberte et Gulliver, la forme du contenu est explicitement théâtrale, et donc "explicitement" la même que celle qui n'était qu'implicite au niveau actantiel II des autres textes. Mais il semble y avoir différence en ce qui concerne le caractère de "tableau" qu'on éprouvait au niveau I dans les autres textes. On peut penser que cela tient à la forme d'expression théâtrale, où ce niveau I ne s'exprime que par les didascalies et puisqu'ici elles ne désignent les personnages que comme des "voix", on pourrait envisager une théâtralité sans images, donc sans "tableau", où les scènes ne seraient qu'entendues.
 

Le niveau actantiel I serait alors essentiellement représenté par son pôle de réception. Une telle hypothèse est confirmée par la conclusion, déjà faite, page 67, que la dissémination de la substance du contenu par les émetteurs de niveau II, n'est identifiée qu'à réception de niveau I. Mais à considérer les choses de plus près on constate qu'un "tableau" existe, écrit par l'actant émetteur de niveau I en petites capitales (comme dans Roberte et Le souffleur), et énoncé par l'actant émetteur de niveau II, introducteur des "lois de l'hospitalité" dans ce texte : Gulliver:

Gulliver :

Signez, Monsieur le Maire, signez !

Et sur la façade de ce palace, faites courir

en lettres lumineuses la joyeuse nouvelle :

Roberte attend son colosse. (RG. p.31)
 

C'est ici l'ultime "dissémination" des règles prostitutionnelles des lois de l'hospitalité émises dans cette oeuvre, et il n'est pas "innocent" que le "minuscule" Gulliver, juché de surcroit sur le clitoris de Roberte, annonce sa prostitution au Colosse. Cela justifie à la fois le préambule sur les lois de l'optique et de la relativité. Cela renvoie de surcroît à une figure récurrente puisqu'il s'agira encore une fois de ce même colosse : Vittorio de Santa-Sede, présent, parfois sous ce surnom, dans les trois variations des Lois de l'hospitalité !
 

Mais par cette dissémination originale, on retrouve le même invariant du point de vue de la forme du contenu : la loi est énoncée en "tableau" par le pôle-émetteur de niveau I, et "théâtralement" par le pôle-émetteur de niveau II.
 

Cette particularité de la forme du contenu sera étudiée plus précisément dans un chapitre suivant, car elle correspond tout à fait à la théâtralité Klossowskienne qui est celle d'un artiste de niveau I qui en "mettant en scène" plastiquement et/ou verbalement des actants de niveau II dans des "tableaux vivants", use d'une sémiose mixte, plastique et théâtrale.
 

Si nous sommes passés par cette longue analyse, c'est, à ce stade de l'étude, pour établir que la fonction du "motif" de la prostitution de l'épouse est bien sémiologique : il constitue, de manière sémiologique, "l'invariant" fondamental du "signe unique". On peut alors poursuivre en démontrant que les variations de ce "signe unique" Roberte, même si elles portent sur le nom lui-même, loin d'être anecdotiques, relèvent du pôle paradoxal de ce simulacre : la dissémination, ce qui a pour autre effet, de confirmer ce qu'affirme Klossowski dans la postface : le "nom de Roberte" ne couvre pas une personne, "puisqu'elle n'avait aucune "histoire" "(12) mais:

" Valant pour un geste, une situation, ce nom [apporte] cette situation, ce geste de façon subite et discontinue par rapport à moi-même, dépendant de la continuité quotidienne dans ses expressions discursives." (L.H. postface p.335)

Ce "signe unique", possible réponse "à la discontinuité absolue du monde avec [soi-même]"(13) n'est bien que la "désignation spécifique de l'intensité première"(14), ce qui est réalisé par "le décalque"(15), "réversible" (autre qualité du simulacre klossowskien démontrée au chapitre précédent)(16) de cette "intensité" dans des figures aussi diverses que Roberte, Valentine et la Salutiste.
 

Mais ce déplacement de la figure féminine sous des noms divers, tous "résolus" dans le nom de Roberte, se dissémine aux autres figures : Octave se déplace en K., Théodore, ou le Vieux, d'abord appelé "Maître"(17), ou Antoine qui devient Jérôme, (comme le héros de La Vocation Suspendue) Aussi, à partir de ce signe unique, de cet "invariant", va-t'on lire sémiotiquement les deux autres séries fictionnelles.

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Maintenant que nous avons prouvé qu'en considérant l'opération de "décalque" comme une des composantes sémiologiques fondamentale du "signe unique", on respectait l'orthodoxie klossowskienne, comparons plus attentivement "la renaissance"(18) du couple Jérôme-Théophile de La vocation suspendue, dans les couples de Les lois de l'hospitalité.
 

Le premier roman de Pierre Klossowski est un texte tortueux, constamment disjonctif, à quelque niveau qu'on le considère, puisque chaque piste lancée, à quelque niveau sémiologique qu'on se place, forme et substance de l'expression, forme et substance du contenu, est aussitôt décalée vers une autre direction. Ce phénomène, présent dès l'incipit qu'on reçoit comme la préface du roman, mais une préface jamais arrêtée, est particulièrement complexe dans deux microstructures : la fresque inachevée, et le "doublage des personnages".
 

L'analyse détaillée de ces phénomènes relève d'autres sujets que celui de ce chapitre, mais, certains éléments s'y rattachent. Disons rapidement que bien des épisodes de ce roman seront décalqués dans Les lois de l'hospitalité, aussi bien du point de vue de l'expression que du contenu, par exemple les références aux années fascistes, "espagnoles" ici, "italiennes" là-bas, le motif des "tableaux vivants", et surtout le personnage de soeur Théophile, véritable figure "pré-Roberte", jusque dans sa référence au "modèle-interprète" Denise Morin-Sinclaire, comme l'atteste ce passage :

"[...] jeune fille "aussi fraîche et gracieuse que bigote et pudibonde ", sortie des milieux de la bourgeoisie catholique de province [...]" (VS. p.86)
 

Certes Roberte est protestante, mais elle possède, tout comme la Salutiste, cette "fraîcheur gracieuse et bigote". Mais surtout, cette "carmélite", modèle de "la jeune femme", peinte "la bouche entrouverte les yeux ravis en extase par la vision"(19), a aussi servi de modèle pour une "photographie" qui est "un faux, prise au cours d'une "party""(20) "représentant une scène des violences sacrilèges commises par les anarchistes de Barcelone, lors de la guerre civile : on y voit une jeune religieuse morte que les insurgés ont retirée du cercueil, honteusement maquillée et dont ils ont dénudé le sein, y faisant des entailles profondes." (V.S. p.81-82)
 

On trouve dans cette séquence narrative la mise en scène de deux tableaux vivants, l'un mystique, l'autre "pornographique" (puisque le "modèle", commun aux deux d'ailleurs, et, en cela, porteur d'un solécisme inhérent au genre selon Octave, est une jeune fille payée pour feindre une vraie scène de débauche sadique et nécrophile), faux de surcroît, comme l'est le genre du tableau vivant selon Octave(21) qui pourtant les collectionne.
 

On a donc là encore une macrostructure textuelle de "décalque" autour de la "variation "Soeur Théophile" du signe "Roberte" qui en "garantit" l'invariance sémiotique, et "l'unicité". À partir de ce "postulat", on peut voir, dans la dernière page de La Vocation suspendue, le couple "Jérôme-Théophile" se constituer, avec toute la perversité d'un échange inéchangeable, en "prémodèle" du couple "Octave-Roberte".
 

En effet, l'actant émetteur de niveau I se replace en posture de commentateur, pour faire de "l'auteur" un actant émetteur de niveau II, dont "il prétend" rapporter de manière indirecte et résumée la fin du roman. Ce faisant il use de la même forme de contenu ambiguë déjà signalée qui consiste à afficher sous forme de "tableau" posé par l'actant émetteur de niveau I, une scène théâtralisée au niveau II : ici cet émetteur de niveau I met en scène "l'auteur" de La vocation suspendue, considéré comme un "acteur" qui raconte une histoire.

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Mais la substance de cette expression et sa forme de contenu, mettent en abyme la perversité Klossowskienne à "varier" l'invariant du signe unique, en jouant le "décalque" à tous les niveaux :

"Mais l'auteur exagère vraiment sous prétexte d'inaugurer une technique nouvelle. Il prétend - comme le prétendent certains auteurs à l'égard de leurs personnages - avoir rencontré Jérôme alors qu'il était non seulement guéri, mais marié. Il veut une dernière fois user de son procédé en affirmant que l'épouse de Jérôme aurait ressemblé à s'y méprendre à Théophile d'après la description qu'on lui en aurait faite, sans doute pour dépister les indiscrets." (VS. p. 150-151)
 

De même que l'auteur prétend rencontrer Jérôme, l'émetteur de niveau I prétend rencontrer l'auteur "sous prétexte d'user une dernière fois de son procédé". De même, en faisant que l'épouse de Jérôme ne fasse que ressembler à Théophile, l'émetteur de niveau II, dont la voix est intégrée à celle de l'émetteur de niveau I, laisse planer,comme possibles, toutes les "méprises" du décalque, celles que nous retrouverons entre "Roberte" et " La Salutiste", ou dans la dissémination des émetteurs des "lois" dans Roberte et Gulliver.
 

En effet dès lors "que l'inéchangeable s'est prononcé à travers un simulacre", tout est mis en mouvement, et Gulliver, en ce qu'il énonce la loi qui met Roberte à la disposition du Colosse, se place d'autant plus en double d'Octave, qu'il le fait aussi depuis une posture qui n'est que le décalque de celle de l'époux, à califourchon sur le clitoris de Roberte.
 

Mais une autre voix énonce aussi une partie de la loi, c'est celle du Doyen. Comment ne pas mettre ce "nom" en décalque "varié" du surnom "Le Vieux" donné au Guide de l'actant émetteur de niveau I de Le Souffleur qui est aussi actorialement l'actant émetteur de niveau II Théodore Lacase, lequel n'est pas sûr de n'être pas K. (puisque le Vieux s'adresse à lui par ce nom p.188 et que Guy l'assimile encore à ce K., p. 203). Mais K. et Théodore sont eux-mêmes des décalques d'Octave puisqu'ils sont les époux de Roberte et de Valentine...
 

La dynamique du décalque, que nous accélérons à présent que nous nous sommes garantis longuement de sa valeur sémiologique, a ceci de vertigineux, qu'elle est réversible, à la fois d'une oeuvre à l'autre, sans souci de l'antériorité de parution de telle ou telle, d'une figure à l'autre, et, on le verra, d'un sexe à l'autre, voire d'un monde à l'autre. En fait, à partir du "nom de Roberte", tout fait signe et le signe reste unique, comme l'explique d'ailleurs Klossowski dans la postface de Les lois de l'hospitalité.

Aussi on peut s'interroger sur l'étrange correspondance en tant que signes, du point de vue de la forme de l'expression, entre les prénoms Théodore et Théophile, ou de la récurrence du "signe" Jérôme" renvoyant à des actants non superposables thématiquement : Jérôme de La Vocation Suspendue se décalque sur Octave, alors que celui de Le Souffleur est un décalque d'Antoine. Quant à Théophile elle "est" Roberte, quand Théodore "est" Octave. Cette fois le "signe" a réalisé "l'inéchangeable" : la réversibilité des générations et des sexes, ce qui annonce les bouleversements nettement plus intempestifs de Le Baphomet dont nous ne signalerons que le renversement ultime.

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Alors que l'ensemble du récit est écrit à la troisième personne, soudain, p.207, pendant une scène sexuellement scandaleuse, dans une tour où l'on débauche le jeune Ogier, la phrase s'interrompt de la sorte :

" [...]voici que, de derrière le pilier se glissait Frère Damiens : lequel jusqu'alors n'avait osé bouger de là, de peur de gêner ceux qui se donnaient ici pour d'incertaines ombres - -" (B p.207)
 

Et lorsque le récit reprend, on lit ceci, p.209 :

"- - -

- Est-ce ainsi que je devais vous revoir !- osai-je enfin lui demander, alors qu'ayant délicieusement glissé une paire d'oreillers sous ma tête et soigneusement bordé l'immense lit à colonnes, le jeune page, comme je craignais de le voir se retirer s'était assis à l'extrémité de la courtepointe, laissant aller une jambe vers la ruelle, l'autre le genou replié, le pied sous la fesse." (B. p.209)
 

D'abord, toujours dans un contexte "d'enferment prostitutionnel" dont les lois ont été énoncées quelques pages plus tôt, du point de vue de la forme du contenu, on observe encore une fois un processus d'instabilité d'énonciation qui rappelle ceux observés dans toutes les autres fictions. La variation de cet invariant serait toutefois en quelque sorte inverse - tout en la rappelant- de celle de La vocation suspendue où l'actant-émetteur de niveau I attendu, "l'auteur" était placé en actant-émetteur de niveau II, par le véritable actant-émetteur de niveau I : "la voix du commentateur". Ici l'actant émetteur de niveau I, jusqu'alors simple voix narratrice prend l'identé d'un acteur identique à un actant-émetteur de niveau II : "Frère Damiens" qu'il vient d'introduire avant une coupure du récit marquée par une forme d'expression originale : un signe typographique non codé : la succession de tirets n'est pas exactement une série de points de suspension. Il s'agit donc bien là encore "d'inaugurer une technique nouvelle." (VS. p.150) !
 

Mais on apprend très vite que Damiens, (templier du XIIIème siècle), est en fait l'époux de Roberte, et que Ogier a les mêmes yeux et le même visage qu'elle. Or Ogier est habité par le souffle de sainte Thérèse (carmélite extatique du XVIème siècle) qui "habite" aussi parfois le tamanoir antéchrist Frédéric (Nietzche ?), voire le corps du Grand Maître des Templiers !
 

Or Roberte "décalque" aussi une carmélite extatique, Théophile qui décalque sainte Thérèse, qui habite le corps d'Ogier qui ressemble à Roberte ; et le Vieux, guide de Théodore, est aussi appelé "Maître"(22), comme le Commandeur des Templiers ! Bref tout est décalque de tout. Et, après la stabilité des noms, la cohérence des oeuvres et la limite des siècles, c'est la frontière des sexes qui achève de voler en "sparagmos", puisque Thérèse est un Ogier qui "jouit"(23) , et que Valentine de Saint-Vit, comme si son nom "se décalquait" en "signe" dont le "contenu" coïncidât avec "l'expression", voit son clitoris devenir verge(24) ce qui la fait "Roberte", dont le clitoris "viride" devient dragon sous les assauts persuasifs de Gulliver et du Colosse(25) .
 

Dans un tel "monde", le couple Roberte-Octave se décalque à l'infini jusqu'à devenir, par les métamorphoses sexuelles et intempestives, un couple pénétrant-pénétré, où la tante (Valentine de Saint-Vit) peut pénétrer le corps de son neveu, (Ogier) par le bais de son décalque (Thérèse) qui, bien que femme, jouit en "mâle" du désir de son propre corps "femelle" (Valentine de Saint-Vit) qui se masculinise, à moins qu'au rebours, ce ne soit le "neveu" qui jouisse de la tante "viride" par la confusion des Jérôme-Théodore-Théophile !
 

Dans un tel monde où on "[donne]" aussi "dans l'intention de revoir au delà de la mort le Guide [qu'on avait] perdu."(26), on ne s'étonne pas davantage que "les morte[s] fraîchement ensevelie[s] [soient] presque aussitôt exhumée[s]"(27), qu'on n'est supris de voir, en 1964, Octave-Damiens "communiquer" avec sa "gracieuse épouse" par le truchement de "l'ombre incertaine" du jeune Ogier mort en 1264.

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Telle est la valeur du "signe unique", invariant, malgré ses multiples variations : il boucule les signes quotidiens et toute la postface de Les lois de l'hospitalité oppose le monde des "signes quotidiens" au signe "unique". Le premier apparaît limité et arbitraire :

"Quoi que nous fassions nous avons obéi au code des signes quotidiens, mais n'est-ce pas pour nous en débarasser aussi vite ? Le code de signes quotidien ne compte pas autrement que pour nous rappeler à notre propre désignation qui veut qu'à l'instar de l'autre nous fassions comme si nous étions le même." (p.338),

alors que le second "dénonce l'incohérence absolue où je suis tombé par rapport au monde" (p.339),parce que "ce signe n'est-il pas mon exclusion de toute cohérence possible ?" (p.339) si bien que

"La divulgation d'un signe, invérifiable en soi, tient toujours du délire, quand même cette divulgation témoignerait de la contrainte que le signe exerce sur celui qui le divulgue, et qui de la sorte croirait échapper au délire" (p.348).
 

Ainsi, quand Damiens veut saisir Ogier dont "les joues, les mains ou les cuisses si agréables à voir nonobstant qu'elles ne soient que du vent" et qui lui est "donné" pour Roberte il est "envahi" d'une "irrésistible torpeur" et le "démon" après avoir lévité "tombe sur le sol" et "demeure immobile".
 

On voit donc bien que le signe unique, insaisissable, inéchangeable lui-même, en dépit de ses variations, textuelles ou plastiques. ne permet pas d'échapper à "l'inéchangeable" ; il n'est qu'un moyen de le dire, de "l'échanger".
 

Il est à la fois un objet vivant, "Roberte, corps prostituable", et une "monnaie vivante", le signe invariant "Roberte", (varié à l'infini), valant pour l'objet, "simulacre" donc non d'un corps, mais de "l'inéchangeable" même de la pensée de "l'inéchangeable" puisque : "la pensée ne vaut jamais son pesant d'or autrement que comme signe de l'impayable." (LH. Avertissement, clausule, p.10).
 

En confrontant de la sorte notre étude aux affirmations obscures ("incertaines ombres" elles aussi), des textes klossowskiens qui "accompagnent" Les lois de l'hospitalité, on saisit une nouvelle raison de la "nécessité" du simulacre de la prostitution, acte d'échange de "l'inéchangeable", acte "payé" de "l'impayable". Comment dire mieux que par ce "simulacre" cette "aporie" de l'acte d'art à faire partager "l'inéchangeable" : de même que la prostitution "donne le change" de l'acte d'amour, il "donne le change" de l'acte de communication.
 

On voit bien aussi pourquoi l'actant émetteurø dit avoir été "réduit à un signe" "au sortir [de l'écriture de ces diverses] variations"(28). C'est parce qu'étant actantiellement réversible, il est, lorsqu'il s'y implique à réception, une des composantes qui construit la totalité d'un corps textuel jouissif et dérélictoire en même temps, tout entier contenu dans ce "signe unique", qui en est le simulacre, ressenti avec jouissance, jusqu'au vertige, parce qu'en dépit de "la conspiration du silence" que "lui [oppose] le langage des affaires"(29), il dit l'incohérence du rapport entre "la voix narrative" et le monde, ce qui révèle "l'inéchangeable" ; en même temps qu'avec déréliction, jusqu'au délire, jusqu'à la folie, parce qu'en ne permettant pas de dire cette incohérence de façon "mondainement" cohérente, il maintient "l'inéchangeable" de "l'inéchangeable" : il ne fait bien que "donner le change", aporie-même du signe : (le mot [chien] n'aboie pas), et du simulacre : ("Ceci n'est pas une pipe").
 

C'est de cette aporie du "signe unique" que fait état le dernier échange entre Damiens et Ogier(30), qui reprend un échange des journaux d'Octave et Roberte(31) : "ni esprit, ni putain" (ni carmélite, ni prostituée, ni inspectrice, ni salutiste, ni ..., ni....) il est "entre les deux", "dans la place" insaisissable" du "coquin". Et "Ogier-Roberte" acquiesce avec déréliction : "Hélas" et Ogier se plaint comme Roberte quand Octave lui expose "les lois de l'hospitalité", de ce que Damiens-Octave lui prête un "esprit retors" et ne le traite pas comme un corps "en chair et en os" :

"depuis une éternité, on se contente de me le dire" (B. p.222)
 

C'est la même aporie qui s'écrit dans la postface de Les lois de l'hospitalité :

" L'intensité même de la pensée s'exprime par cette alternative de la folie acceptée ou éludée : ou bien perdre le signe, le laissant pour lui-même, sachant qu'il existe ignoré du monde, et donc m'aliéner le signe qui pour soi n'a rien de fou ; ou bien subir l'intensité du signe, quitte à perdre le monde, pour connaître sans commencement ni fin." (p.346. C'est moi qui souligne ce parallèle supplémentaire entre les deux citations.)

1. Cette terminologie, empruntée à Georges Molinié, est explicitée dans le chapitre VII, "Stylistique actantielle", p.47-61, de Approches de la réception, opus cité. Voir aussi supra. chapitre liminaire, p.19, note 32.

2. "Métamorphosé en singe, l'artiste vaut pour un singe [...]" (LB., p.50.) Cette citation que nous tenions déjà, page 17, pour un "exemple de réversibilité", en devient l'emblème sémiotique, quand on considère cet anagramme.

3. LHS p.216 sq. On y applique les thèses d'Octave développées dans le texte les lois de l'hospitalité (LHR p.110 sq.), et ce lieu annonce celui de Roberte et Gulliver. ("Hall d'un grand hôtel", didascalie initiale, RG, p. 9.)

4. Dans l'avertissement et la postface de Les lois de l'hospitalité (p.7-10, & p. 333-350), Klossowski développe précisément cette notion de "signe unique" que constitue "le nom de Roberte".

5. Concept que Georges Molinié reprend à Maurice Blanchot et qu'il explique dans Approches de la réception, opus cité, note 1, p.58.

6. Il n'est pas indifférent de remarquer que dans la citation de référence "la salutiste se jette sur son personnage". L'ambiguité d'emploi de ce terme et du possessif est expliqué par la situation "théâtrale" de ce moment, où la Salutiste jouait le rôle de Roberte quand la "vraie" (?) Roberte est entrée, mais s'il s'agit d'une explication "situationnelle", il est bien évident que l'ambiguité des "signes" : "son" et "personnage" n'est pas fortuite. Nous y reviendrons dans la suite de cette thèse.

7. "L'usage fixe la manifestation habituelle de la langue [...] À tout usage linguistique, sont attachés certaines notions : un usage linguistique donné (ou un ensemble donné de tels usages) est l'expression de certaines données extérieures à la langue, qui sont des contenus comme "foyer", "peuple", "nation" etc. De la même manière, les styles expriment aussi ou symbolisent certains contenus de données extérieures à la langue. (Nouveaux essais, pésentés par François Rastier, Paris, PUF, 1985, "Entretien sur la théorie du langage")

8. LB. p.45

9. Ibid. p. 42-43.

10. Ce n'est donc pas un hasard si ce syntagme est choisi comme titre de la trilogie "Roberte".

11. Ce n'est que la variation de forme d'expression de la suite de Roberte ce soir, qui devient théâtrale à partir de la page 113, puis retourne au récit émis par un autre émetteur de niveau I, page 137, avant de se mixer de théâtral à partir de la page 140, ce n'est que cette variation qui permet d'identifier Antoine en émetteur de niveau II, puisqu'une instance actantielle de niveau I régit une économie d'organisation du texte bien plus complexe que celui d'une narration à la première personne.

12. LH. postface, p 335.

13. LH. Posface, p.340.

14. Ibid. p.334.

15. LH. "[...]la maison close, qui sous le nom de l'Hôtel de Longchamp, se décalque sur la configuration du Palais Royal et des Tuileries, et, un peu plus au nord, entre l'Opéra et Saint-Lazare. Mais, là encore, le signe unique empiète sur le lnagage des affaires." (Avertissement, p.9. C'est moi qui souligne).

16. Voir supra p. 11 et 19, et la citation de LB. p. 50-51, rapportée dans ce même chapitre liminaire p. 20

17. "-Maître, dit-il, Maître, c'est l'heure, levez-vous." (LHS, prologue, p.177). Voir infra, note 22, p. 78.

18. " Et pendant que le couple (d'Octave et de Roberte, de Théodore et de Valentine K. et de K. et de Roberte etc.) renaissait ainsi de lui-même [...]" (LH. Avertissement, p. 8. C'est moi qui souligne.)

19. VS. p. 42.

20. Ibid. p. 85

21. "[...] ce genre faux en soi [...]" (LHN., journal d'Octave, p.16). Dans ce même passage de son journal Octave commente le jugement de Quintilien sur le solécisme dans le geste, et évoque, page 15 "l'attrait" qui "réside justement dans l'apparence austère du visage, dissimulant - voilà qui importe - des charmes d'autant plus exubérants.", soit le solécisme même du "modèle" Soeur Théophile, à la fois carmélite extatique dans une fresque religieuse et "prostituée" déguisée en religieuse pour une photo licencieuse. Enfin, dans la séquence 3 de Roberte, le Chanoine, cousin d'Octave, s'écrie devant un tableau soléciste représentant "Tarquin et Lucrèce" : "Ce tableau est un faux ! un faux pornographique !"

22. LHS. Prologue, p.177. Voir note 17, p.73.

23. [...]à persister dans ses organes puérils, la sainte ne soulève que mieux la désoeuvrée semence." (B p.206).

24. "[...] entre les cuisses de Valentine de Saint-Vit [...] tout rutilant jaillit l'altier dragon." B. p.206.

25. "Ha! que me montrez-vous là / ce reptile qui bave et crache son venin ... /[...] le dragon gardien du trésor!" (RG. p.32) Ainsi Mme de Saint-Vit est-elle triplement Roberte : par la métamorphose, par la métaphore du dragon qui dit cette métamorphose, et par le prénom "Valentine" qui est celui d'une autre Roberte : "Valentine K."

26. LHS. p.181

27. VS. p.80

28. Voir supra p.61-62. " Au sortir d'une période où je fus ramené trois fois de suite au même thème dont résultèrent trois variations, [...], il m'arriva d'être bientôt réduit à un signe. [...] La persistance d'un nom qui en forme le prétexte rend compte à elle seule d'un fond de pensée monotone." (LH p.333. C'est moi qui souligne.)

29. "Mais là encore le signe unique empiète sur le langage des affaires, lesquelles, là encore, lui opposent la conspiration du silence." (LH, Avertissement, p.9)

30. B. p.221- 222.

31. LHN. p.34-35 (Roberte) et 36-39 (Octave), & 65-66 (Roberte). Voir aussi LHR. p.137 sq.