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Le théâtre
n'est pas un lieu où nous figurons, mais un lieu où
nous passons avec et que nous avalons. Le lieu où nous mangeons le
temps
visiblement et en parlant. L'acteur n'est instrument de rien, ni outil
de
personne : il ne figure pas. C'est un parlant qui tient dans sa bouche
l'espace
en vrai, tout un théâtre entre ses dents, un porteur de paroles, orant
et
carnassier.
Valère
NOVARINA, Texte de présentation de "La chair de
l'homme", 1995
Dans
l'introduction de Le langage dramatique, ouvrage de
référence de toutes
les études théâtrales récentes, Pierre Larthomas
écrivait:
"
On oublie, on ignore ou l'on feint
d'ignorer que l'on se trouve en face d'oeuvres dont la caractéristique
essentielle est d'être écrite sous la forme de conversation pour être
jouée."
Et
depuis, l'analyse des textes de théâtre, qu'elle soit le fait des
linguistes
conversationnels dont Catherine Kerbrat-Orecchioni
dresse la liste dans Le dialogue théâtral[1], ou celui des spécialistes de
l'analyse de
théâtre que sont Jean-Pierre Ryngaert
ou Michel Vinaver,
se fonde sur
l'édification de modèles d'analyse conversationnelle. S'en dégagent
principalement l'étude des rituels sociaux, des règles de structuration
de
l'échange conversationnel, et des lois du discours. Il convient d'y
inclure
l'étude des "enjeux", liée au "sujet" de la pièce et aux
"fonctions" des personnages, que l'on peut considérer d'un point de
vue traditionnellement psychologique, ou d'un point de vue
"actantiel", au sens donné par
Greimas, Ubersfeld ou Monod.
Le tout doit s'inscrire dans une structure spécifique du dispositif
énonciatif,
la "fameuse" double-énonciation mise à jour par
Pierre Larthomas,
caractérisée par le fait que
tout signe, au théâtre, vise simultanément deux destinataires, le
partenaire à qui
il est adressé, et les spectateurs. Or je trouve très ambigu
ce dernier
concept, reprécisé depuis par Anne
Ubersfeld[2], (qui s'appuie, pour le
définir, sur l'étude
des didascalies, qu'elle a le mérite d'intégrer comme "signe" textuel
de la conversation théâtrale, plutôt que sur le dialogue), Catherine Kerbrat-Orrechioni,
(qui dégage en fait
une triple énonciation), Georges Molinié
et Tadeusz kowsan[3] (qui lui préfèrent la notion
de
double-réception).
D'abord
il rend difficilement compte du particularisme des spectacles les plus
contemporains qui occultent la notion-même de personnage, et ruinent le
dispositif conversationnel "nettoyé" du théâtre classique. C'est
d'ailleurs l'étude d'un de ces objets particuliers, Boulimos,
(titre
provisoire)[4], qui m'a incité à cette remise
en cause.
Mais,
plus fondamentalement, même pour le théâtre traditionnel,
l'exploitation qui en
est faite, même quand la description semble pertinente, ne se distingue
pas de
celle du feuilleté actantiel[5] commun à tout l'art verbal, et
n'insiste pas
sur la caractéristique du langage théâtral en général, dont la
seule
originalité, (intrigante il est vrai), est l'introduction d'une
énonciation
réelle, (celle de l'acteur, précisément), à l'intérieur du système
fictionnel
commun à tout l'art littéraire.
Le
théâtre contemporain incite
fortement à
se poser la question de cette pertinence. Sans même nous interroger sur
la
manière dont il s'est débarrassé de la "conversation nettoyée",
(voire de toute conversation[6]), qui semblait caractériser
l'énonciation
théâtrale, considérons cette caractéristique de nombre des créations
contemporaines : la transformation d'un texte non-théâtral en un texte
théâtral. Cette situation est radicalement exemplaire de la
problématique
théâtrale fondamentale, telle qu'on la pose le plus souvent :
"Comment
passer du texte lu, (non théâtralisé), au texte joué, (théâtralisé) ?".
Je
ne dis pas que l'ordre normal et obligé soit celui-là[7]. Mais c'est bien l'optique
dominante de
l'étude des textes de théâtre. Et ce passage du texte à lire, qu'est le
texte
non théâtral, vers un texte à représenter se fait, le plus souvent, en
considérant le texte lu, "objet fictionnel", comme le point de départ
vers le texte à "réellement" représenter. Or la représentation est,
en réalité, comme le dit Dort, un questionnement du texte à lire et à
représenter[8]. Le stade
d'adaptation d'un texte non théâtral oblige donc à poser plus
concrètement
encore la question de cette transformation, particulière au théâtre,
d'un objet
à lire vers un objet à représenter. Même pour la simple mise en scène,
d'un
texte classique, sans adaptation préalable, cela consiste à
savoir si on
traite un objet de langage, ou une constellation de personnages.
Ma
réponse sera claire, confirmée par l'esthétique de ces objets
contemporains
écrits ou produits par Handke, Kantor,
Wilson, Tanguy, Gabilly, Régy ou Novarina : ce ne sont ni les
personnages et
leurs rapports de force ou de caractère, ni l'intrigue, (rien des lois
conversationnelles intra-fictionnelles), mais les acteurs, et leur
énonciation,
qui donnent à ce type d'entreprise sa théâtralité. C'est en cela qu'ils
sont
des "passeurs"[9].
Ce
n'est pas parce qu'ils passent un "message"; c'est parce qu'ils
"créent" les conditions d'écoute d'un "texte", autant celui
d'un auteur que le leur, ce qui peut passer pour un "abus de sens"
pour ceux qui n'accordent pas au niveau réel de
l'énonciation d'acteur
toute sa valeur. Certes, il y a risque de contresens, mais comme pour
ceux qui
fondent leur approche du théâtre sur l'analyse classique,
(double-énonciation
et recherche de la fable[10] ou des schémas actantiels), ce
contresens est
de lecture, et non de jeu. Il se situe dans le passage du texte à la
scène, ou,
dans le cas d'une adaptation, lors du passage d'un texte à l'autre,
passages
dont le but n'est pas de faire entendre l'oeuvre en tant qu'histoire,
mais
comme "acte d'écriture" "disant" la même quête que celle
des "gens" qui ont entrepris de la re-présenter,
acte qui
serait inutile s'il ne faisait que répéter celui de lecture.
En
effet, si le spectateur vient au théâtre, c'est pour "entendre
la
langue"[11], que seuls les acteurs lui
font parvenir,
s'ils ne s'attachent qu'à elle, et non à une fiction qui peut être lue
par un
lecteur seul, L'attente l'oubli
ou tout autre texte. Bien sûr, de cette
traversée de la langue, mais seulement d'elle, par les acteurs,
ici, (comme par
le lecteur dans sa solitude), peuvent surgir des personnages parce
qu'est
retrouvée l'écriture qui leur donne "existence", et non
parce qu'on a
essayé de les "incarner" par ces "artifices naturalistes",
étrangers à l'écriture et à la langue, qui
ne font que redire des
« stéréotypes »
La
conversation, c'est donc celle-là entre une écriture et des voix, avec
leur
grain, à travers laquelle se tisse celle entre une langue et une
écoute, et
c'est par cela,
seulement par cela, que
le théâtre est un lieu
politique :
au lieu d'imposer du sens "évident", il ne cesse de "remettre en
question". C'est pour cela que nous réfuterons l'idée que le schéma
classique de double-énonciation soit spécifique du théâtre. Il
n'y a, d'un
point de vue fictionnel, au théâtre comme dans tout l'art verbal,
qu'une seule
énonciation-réception, relayée par des "passeurs", et rien d'autre.
Les autres "couches" ne relèvent que des "feuilletés" mis à
jour par la stylistique actantielle. Elles ne sont pas plus propres au
théâtre
qu'aux autres "arts" de la littérature. La seule spécificité du
langage théâtral c'est "l'énonciation d'acteur"
comme
"accélérateur de réception de la langue". Seulement comment la
définir, et peut-on en tirer profit pour l'étude des textes ?
Les
schémas décomposés de double-énonciation, (de plus en plus
"feuilletés", d'ailleurs),
semblent plus aisés à maîtriser, en apparence, tant pour
l'analyse des
textes de théâtre (et sans les acteurs en jeu, comment faire
autrement?) que
pour l'élaboration de spectacles, et on cantonne les acteurs dans
l'acte
"d'incarnation", "insultant" pour un acteur selon Régy et réfuté
par Novarina
et Dort
:
De
toute façon les acteurs n'incarnent pas des
personnages. Alors on peut garder la même liberté qu'à la lecture.
L'incarnation a quelque chose d'insultant où les acteurs s'imposent
comme les
objets finis de ce qui doit rester infini.
Claude
Régy, Espaces perdus, opus cité, p.132
L'acteur
n'est instrument de rien, ni outil de
personne : il ne figure pas. C'est un parlant qui tient dans sa bouche
l'espace
en vrai, tout un théâtre entre ses dents, un porteur de paroles, orant
et
carnassier.
Valère
NOVARINA, Texte de présentation de
"La chair de l'homme", 1995
Celui-ci
[l'acteur] ne fait pas
qu'interpréter son personnage ou construire des signes. Précisément, il
joue.
Du même coup, il introduit un doute sur la réalité et l'identité de son
personnage. Comme sur la stabilité des signes qu'il a lui-même fabriqués
Bernard
Dort, La représentation émancipée,
opus cité, p.164
En fait il s'agit de trouver
"un passage".
Mais comment ?
Remarquons d'abord que des gens
aussi impliqués, aux titres
divers de metteurs en scène, écrivain ou critique, que Vitez, Régy,
Novarina,
ou Dort dans l'écriture théâtrale et son passage à la scène,
considèrent tous
l'acteur, non comme un "figurant", mais comme un "porteur de
langue". Reste à savoir ce qu'ils entendent
tous par ce mot.
On peut considérer que la
valeur constante de langue est,
ici, celle donnée par Régy, dans la phrase soulignée de la note 9 : substance
de l'écriture, à savoir ce qui est, avant la prise en bouche,
(en parole),
par l'acteur, à l'état de langue, au sens de Saussure. Seulement, quand
il
s'agit de la langue d'un texte, cela relève aussi,
déjà, d'un état de parole
d'un écrivain. On peut voir cela ainsi : la langue sert de
substrat à la
parole de l'auteur, laquelle devient langue, "portée",
"passée", par la parole de l'acteur.
Ce qu'il s'agit donc de
désigner pour parler sémiotiquement du
théâtre, c'est cet endroit d'engagement de l'énonciation d'acteur : ça
ne part
pas de la fable comme on le dit souvent, (dans ce cas on attaque dans
la
fiction), ça part dans la langue (on attaque dans le réel) et de là la
fiction
se construit, "dans le rythme souterrain du texte", comme le dit
Pavis, dans son Dictionnaire du théâtre, à propos
du travail de Régy. De
la sorte non seulement le problème de l'énonciation d'acteur est
clairement
posé selon le point de vue "sémiolinguistique" envisagé ci-dessus,
mais il l'est aussi selon un point de vue de "métier".
En effet, cela met d'abord en
échec la double-énonciation
"personnage-personnage" et "scène-salle" parce que le jeu
est énoncé par un circuit continu "auteur-acteur-salle",
les acteurs ne figurant rien d'autres qu'eux-mêmes en rapport avec la
langue,
et surtout pas des personnages. Ils ne sont pas non plus à la place du
scripteur, mais en rapport avec son écriture seule. Et Régy, encore
une fois, exprime remarquablement cela quand, en
commentant Michel Serres :
"
L'écriture émise a coûté cette énergie
laissée dans les traces et marques; ce prix dort dans les sillons de
l'information morte. La lecture ne réveille les traces, ne vivifie les
marques,
ne rend l'information vivante que si elle paie le même prix que celui
qui fut
investi.",
il
écrit :
"Ce
prix, cette énergie, dépensés, les
mêmes chez l'écrivain et le lecteur, pour que vive la matière déposée
dans les
signes, c'est bien ce qui doit être dépensé aussi par le spectateur si
le
théâtre n'est pas venu s'interposer comme une manifestation
"tapageuse" et réductrice à la fois." ( Espaces perdus,
opus cité, p.109.), (voir
aussi supra,
note 9).
Un
tel propos
établit bien la relation entre le point de vue sémiotique et le point
de vue du
plateau.
Ce jeu est celui de tout
théâtre vivant : l'énonciation de
personnage n'étant qu'un stéréotype s'il n'y a pas cette
"énonciation-là" de la "langue entendue", de la langue
de l'écrivain, passée vers le spectateur, par l'acteur, et non par le
personnage, lequel n'est que l'émanation de cette langue, et
non son
producteur, comme toute une école théâtrale et, souvent, "l'école, tout
court", voire certaines écoles universitaires de l'étude des textes de
théâtre tendent à le présupposer, ce qui n'est pas sans conséquences
esthétiques et idéologiques[12].
Croire "sémiotiquement" et
"pragmatiquement"
nécessaire de poser la spécificité du théâtre comme "art verbal" à
partir de cette seule énonciation d'acteur avec
laquelle tout le monde
ou presque joue à "saute-mouton", à "saute-distinction",
implique de renoncer aux institutionnelles constructions
de personnages
fondées sur la fiction, sur la simple lecture de la
fable[13], à quoi incite la plupart des
schémas de
double-énonciation qui présente un "feuilleté amalgamé acteur
/
personnage", parfois simplement implicite, dont se distingue
heureusement celui de Catherine Kerbrat-Orrechioni. Quand, dans ce
schéma, où
elle expose son emboîtement des énonciations du théâtre, elle parle d'actants
réels et d'actants fictionnels, elle met
le doigt sur le caractère
spécifique de l'énonciation théâtrale :
pôle
d'émission
pôle
de réception
auteur / personnage
/ acteur
acteur / personnage /
public
➘ ➘
➘
➚
➚
➚
➘
communication symétrique ➚
➚
➘
➘
➘
actants
réels
➚
➚
➚
➘
communication dissymétrique : actants fictionnels ➚
➘
communication
dissymétrique : actants
réels
➚
(Schéma
repris de Le
dialogue théâtral, p.237, in Mélanges Larthomas,
opus cité.)
Seulement le paradoxe de cette
énonciation, et les apories qui
en résultent, les discours métalinguistiques sur le théâtre, comme les
processus d'élaboration des spectacles, institutionnels, l'évitent ou
le
détournent. Ainsi l'ouvrage récent de Tadeusz kowsan,
Sémiologie du théâtre, découpe le feuilleté
actantiel de façon fort
rigoureuse et proche de certains schémas de Georges Molinié, dont
il partage la notion de double-réception, mais
à l'endroit critique où le texte de théâtre se distingue des autres
formes
d'art verbal, il
installe un niveau "acteur-personnage"
comme simple "récepteur d'auteur" / "réémetteur vers un autre
acteur- personnage", l'ensemble de ces "acteurs-personnages"
devenant "émetteur vers le public".
De même, pour nombre de
metteurs en scène, l'acteur doit entrer
dans la peau du personnage : le réel dans le semblant, voilà qui
"résout" le problème et évite de rentrer dans le seul espace
important, celui qui "associe / dissocie" l'acteur
et le
personnage, non sur un plan psycho-sociologique, mais sur le plan , ici
considéré, de "l'énonciation / réception" !
On déplace la question dans un
espace "injuste" dès
lors qu'on se pose un problème d'énonciation, c'est à dire "d'acte de langage",
où
"le Verbe se fait chair", forcément "porté" dans un corps
réel orant et carnassier.
Car, enfin il semble bien que
la spécificité du théâtre se tient
précisément en ceci : à un moment donné de la chaîne
"énonciation/réception" un être réel va entrer en jeu dans la
fiction, et un "véritable acte de parole" au sens où l'entend
Berrendonner[14] va se manifester dans un
espace réel, (une
salle, un lieu public). Les actants réels, dans tous les autres genres
sont,
par définition, aux extrémités de la chaîne: auteur, lecteur, et, entre
ces
deux extrémités, l'énonciation est, toujours, purement fictionnelle :
l'acte de
parole, réel, n'est que l'acte d'écriture d'un scripteur, et l'acte
d'écoute,
réel, n'est qu'un acte de vision d'un lecteur.
En revanche au théâtre,
le niveau réel de l'acte de parole
est réintroduit, et on assiste alors à un changement de plan
entre réel et
fiction, analogue à celui que l'on a quand on est passager d'un train
qui entre
dans un tunnel : le tunnel qui était jusque là contenu dans notre
regard, d'un
seul coup contient ce regard.
On ne peut donc pas faire comme
si l'acteur n'était qu'un
média de l'acte fictionnel, homogène avec le personnage, sauf
à dénier
toute valeur à l'intrusion du corps réel
de l'acteur, dans la fiction
!
On voit bien que dès lors que
l'on considère ce changement de
niveau comme fondamental, seule l'hypothèse exprimée par Anne Ubersfeld
dans Lire
le théâtre, (p.225 sq.), maintient encore un instant
l'illusion d'une
double énonciation : en effet elle sépare le niveau fictionnel,
toujours une
énonciation de personnages, du niveau réel, le discours du scripteur,
seulement
perceptible dans les didascalies, (p.229), adressées à un récepteur
réel
diversifiable en lecteur, régisseur, metteur en scène, acteurs,
costumières,
décorateurs, etc... Mais, ce distinguo est le même que celui qu'opère
la
stylistique actantielle entre le niveau II (personnages), et le niveau
I
(scripteur / lecteur), aussi valable pour romans et poèmes.
La double-réception de
personnages et de spectateurs, se heurte
évidemment à la même réfutation. Outre qu'une telle saisie, accorde à
l'énonciation de personnage une suprématie sur l'énonciation d'acteur
qu'elle
confond avec elle, ou ignore, elle ne fait que constater du point de
vue de la
réception, un phénomène commun à tous les arts verbaux, examiné
précédemment du
point de vue de l'émission. Le seul "transfert" nouveau, au
théâtre, c'est l'intrusion de ce niveau "réel", du corps de l'acteur,
installé en pivot du circuit continu "auteur-acteur-spectateur",
déjà défini, p.3-5. Ainsi, parler d'acte de langage ou d'énonciation
sans
interroger l'endroit précis où, en art verbal, un acte de parole, au
sens
plein, a lieu, relèverait de l'imposture ! C'est pourquoi je pense
qu'il y a
nécessité de s'interroger sur "l'énonciation d'acteur possible" comme
préalable à l'examen de tout texte à jouer, qu'il soit théâtralisé à
priori: (Phèdre,
tragédie), ou non-théâtralisé d'emblée: (La chèvre de Monsieur
Seguin, Le
Dit du vieux marin, L'attente l'oubli)[15].
S'il est un espace où le
"signifiant" peut se faire
entendre, sans passer pour "cuistrerie pédantesque", c'est bien dans
l'énonciation d'acteur. S'il y a des effets de "diction" dans la
langue c'est bien aux "acteurs" d'en rendre compte, et non aux
"personnages". Ce n'est pas Phèdre qui parle en alexandrins, c'est
l'actrice qui s'appuie sur l'alexandrin, langue établie par Racine pour
faire
entendre l'exténuation de Phèdre, à la longue, dans l'oubli final du
rythme de
l'alexandrin qui ne devient plus qu'une "déploration", par le
signifiant. Est-ce Agamemnon qui a besoin de dire: "Oui, c'est
Agamemnon..", ou est-ce l'acteur qui a besoin d'un "monosyllabe"
pour "asseoir" sa posture? (Dans le théâtre classique, celui où
l'acteur se posait, combien de scènes et d'actes s'ouvrent par "Oui",
"Non", "Et bien"....?).
Allons plus loin. Rendons à
cette affirmation : « Oui,
c’est Agamemnon, c’est ton roi qui t’éveille », sa valeur
« informative » et « performative »
absolue. On voit
qu’elle a pour première fonction de donner à la parole dite par
l’acteur le
pouvoir de le faire devenir « personnage ». Nul
besoin alors de
costume ou de « signes » surajoutés d’une Grèce de
convention pour
faire de celui qui dit les mots de Racine, ce qu’il affirme être. La
mise en
scène de Daniel Jeannetaux en 2001 rendait admirablement compte de cela.
Vitez aussi l’avait bien compris quand il fait l’éloge de Balachova en relatant ses seules indications pour jouer Alceste ou Célimène, comme le rapporte Antoine Vitez qui fut son élève[16] :
« Alceste c’est
vous. Célimène c’est
vous. Maintenant, c'est vous. Pensez, faites, agissez. Alors vous serez
inévitablement Alceste ou Célimène. »
Mais ses acteurs "disent
mal", croit-on, parce qu'ils ne disent pas "naturellement".
En effet, il est indéniable que
le public, est
"d'abord" sensible, dans sa grande majorité, à l'énonciation
d'acteur, (au point de confondre l'acteur et le personnage, et d'en
vouloir, au
cinéma, à Robert Mitchum de ses rôles de traître, certes). C'est
normal,
puisque c'est un "acte de langage" réel. On peut même dire que toutes
les théories du théâtre (mimésis, catharsis, distanciation, etc...)
depuis
Aristote jusqu'à Vinaver sont fondées sur cet "aspect pragmatique".
Mais au lieu d'inverser le
rapport et de demander à cet acte de
langage "réel" d'être le "semblant" d'un acte fictionnel,
il faut lui restituer la réalité créatrice de l'acte dont il est
l'exact
parallèle.
Regardons une dernière fois le
schéma de Catherine
Kerbrat-Orrechioni, déjà présenté, p.6 :
pôle
d'émission
pôle
de réception
auteur / personnage
/ acteur
acteur /
personnage / public
➘
➘
➘
➚
➚
➚
➘ ➘ communication
symétrique ➚
➚
➘
➘
➘
actants
réels
➚
➚
➚
➘ ➘ communication
dissymétrique : actants
fictionnels
➚
➘ communication
dissymétrique
: actants réels
➚
On peut poser l'interlocution
directe :
"acteur-acteur" et l'interlocution oblique :
"acteur-public" comme parallèles d'une interlocution oblique:
"auteur-acteur" et de l'interlocution directe: "auteur-public".
Tous ces axes mettent en jeu
des actants réels, quoique seul le
1er soit symétrique[17].
En fait on y trouve la "raison
pragmatique" de
l'affirmation de Régy, commentant un texte de Michel Serres.
Aussi on ne peut espérer
faire entendre aux récepteurs
la langue d'un écrivain, c'est à dire cet
"acte de langage réel
fabriquant une fiction" qu'est le texte de théâtre, qu'en proposant un
"travail réel d'énonciation re-créateur de cette fiction",
qu’en
partant, non de la fiction faite, mais du matériau créateur d'icelle,
la
langue, afin de permettre au "récepteur", de faire un véritable acte
de "déchiffrement", par le biais des axes d'énonciation réelle
(acteur-acteur, acteur-public), inclus dans cette "interlocution
fictionnelle" qu'est l'oeuvre de théâtre, qui n'a pour double nature
que
celle-là : c'est une interlocution réelle et fictionnelle,
sauf à considérer
pour le "récepteur réel", et lui seul, deux états possibles de
réception.
L'état de déception du récepteur[18] de spectacle, (car c'est vrai
aussi pour le
cinéma), qui a d'abord été lecteur, tient finalement souvent à ceci.
Par son premier contact avec le
"texte", avec sa
langue, il s'est fabriqué une fiction dont il attend la "restitution"
par l'oeuvre "jouée".
Or, on lui en propose une
différente qui n'est souvent que la
fiction née d'une autre lecture.
Le seul moyen de lever le
mal-entendu est de remettre le
spectateur en état de re-lecture en lui proposant une nouvelle entrée
dans la
langue, en le replaçant de nouveau en état de découverte, en état
d'implication, en état de saisir une apparition, d'être saisi par elle,
d'être
à nouveau fasciné par "le corps textuel".
La double-réception ne devrait
donc définir que cette
possibilité offerte au récepteur réel d'occuper, dans des temps
différents,
deux postures de réception, différentes :
- soit celle d'un
lecteur seul au contact d'une langue
d'auteur considérée comme forme et substance d'expression
d'un objet d'art
verbal, reçu comme "poème";
- soit celle d'un
auditeur-spectateur, venu au théâtre en
attente d'être saisi par "tout l'objet", et là, seule
l'énonciation d'acteur est à considérer car, à cet
"endroit-là"
de la saisie, elle seule fait exister "tout le corps textuel".
On voit bien que cette
double-réception n'est pas celle de la
saisie d'une énonciation d'auteur et d'une énonciation de personnage,
celle de
la saisie d'une énonciation réelle et d'une énonciation fictionnelle,
non que
celles-ci n'existent pas, mais elles ne sont pas plus présentes au
théâtre que
dans les autres formes d'art verbal.
Les notions de destinataires
direct, indirect et additionnel
mises à jour par Catherine Kerbrat-Orrechioni sont justes, mais
applicables à
bien des textes romanesques dont le système de remontées actantielles
est un
peu complexe[19]: (dans La Princesse
de Clèves, le
passage où Monsieur de Clèves apprend le nom de son rival, joue de ces
trois
destinataires, et dans la même oeuvre le lecteur qui s'intéresse aux
personnages secondaires, Elisabeth de France, Madame de Martigues, est
souvent
dans cette triple posture).
Je crois donc qu'à considérer
la double-réception, comme la
double-énonciation, on ne dit rien de la particularité intrinsèque du
texte de
théâtre, réduite alors, même dans les analyses pertinentes d'Anne
Ubersfeld et
Catherine Kerbrat-Orrechioni à une capacité à "représenter"
l'interlocution fictionnelle, en y intégrant des bribes d'interlocution
réelle,
saisies le plus souvent "indirectement" ou de façon
"additionnelle" par les spectateurs.
Je ne me suis proposé que de
renverser ce rapport.
L'énonciation d'acteur est une
énonciation réelle qui ne
représente pas, mais collabore, à la suite d'une autre énonciation
réelle, à
fabriquer une énonciation fictionnelle ce qui, pour moi, rend mieux
compte de
la nature éventuellement double du théâtre : toujours un spectacle ;
parfois, aussi, un
texte qui n'existe alors théâtralement que dans sa prise en "corps"
par le passeur mis en jeu : l'acteur[20].
On n'est, évidemment, pas plus
certain, par ce biais, de
"retrouver" "Le Misanthrope" de Molière qu'on ne le ferait
en caractérisant d'emblée Alceste comme "sombre et ténébreux". Avant
d'être émetteur, l'acteur est récepteur, il peut mal lire, mal entendre
la
langue, et son "acte d'émission" est réel, soumis à tous les aléas du
vivant, aux accidents de "mémoire", par exemple. Et "le
trou" de l'acteur marque parfois plus "la réception" que le
"plein". Mais de cela aussi, on peut "jouer". Des mises en
scène se sont aussi réglées sur un accident de répétition, un talon
cassé qui
donne à l'actrice le déséquilibre introuvable, et que "l'on garde".
On objectera aussi que le
public admet mal ce dérangement, et
que : "Claude Régy vide allègrement les salles !",
(mais le
succès de La terrible voix de Satan, en 1994,
contredit ce cliché,
consacré même par de "jeunes metteurs en scène"). On a tant
"habitué" le spectateur à simplement "recevoir" une fiction
déjà "construite" sans avoir à se mettre en rapport avec "l'acte
réel d'énonciation", qu'il a du mal à accepter une réception
"vivante" dépendante de "la seule particularité de
l'énonciation théâtrale", qui n'est double
que si elle met
en "jeu" la dualité "doublement réelle" de l'énonciation,
en fondant l'actualisation de l'énoncé fictionnel autant sur l'acte de
parole
de l'acteur que sur celui de l'auteur.
Ce ne peut se faire qu'en
installant ces deux prises de parole
au niveau de la langue, et non en réservant celle-ci à l'auteur, pour
n'accorder à l'acteur que la prise en charge de la "fiction". Une
telle pratique relève, à nos yeux, d'une supercherie, dont les
"sémiologues"
sont aussi responsables que les "metteurs en scène", faute d'avoir
plongé assez loin dans l'étude de ce niveau d'énonciation-là, dont le
schéma de
Catherine Kerbrat-Orrechioni incite cependant à tirer toutes ces
conclusions,
exploitables, selon nous, même pour les textes du "répertoire", tant
pour un travail textuel, définitivement axé sur la forme et la
substance de
l'expression et du contenu, que pour un travail scénique engagé à
partir des
mêmes données, au lieu de ne s'appuyer que sur le contenu pour
"construire
d'âme ou de raison", un personnage, "cherché", à partir du texte
conçu comme une "archive", dans le monde d'où on le présuppose venu.
Désireux d'éviter les stéréotypes de lecture et de représentations
auxquels
mènent à coup sûr de telles pratiques, nous pensons que c'est en
refusant de ne
faire de l'acteur , (l'acteur total, c'est à dire
le "parlant"
intégré, et non rapporté, au décor, à la lumière, etc...), qu'un reflet
du
monde comme reflet du texte écrit, lui-même reflet du monde, pour le
placer du
côté de l'écriture-même, non comme reflet de l'auteur, mais
comme
énonciateur entier, que le théâtre est un "acte de
langage",
"politique" et "vivant", quoique "irrésolu"[21].
Jean Monamy, Energeia,
N° 2, février 1996, Paris IV Sorbonne, p. 59-74 (revu en 1998).
[1]
Catherine KERBRAT-ORECCHIONI, Le
dialogue théâtral, in Mélanges de langue et de
littérature offerts à
Pierre Larthomas, p. 235-249, Collection de l'Ecole Normale
Supérieure de
Jeunes Filles, n° 26, Paris, 1985.
[2]
Anne UBERSFELD, Lire le théâtre,
éditions sociales, Paris, 1977, p. 225, sq.
[3]
Tadeusz KOWSAN, Sémiologie du
théâtre, Nathan, fac littérature, Paris, 1992, p. 59-61.
[4]
Boulimos, (titre provisoire),
d'après Maurice Blanchot, mise en scène Alain Béhar, Théâtre du
Carrousel,
monté à Juvisy, du 6 au 25 octobre 1992. Le texte entendu était
emprunté à L'attente
l'oubli, Gallimard, 1962.
[5]
Au sens où l'entend Georges Molinié
dans Approches de la réception, Puf, 1993, p.47-61.
[6]
Peter Handke, L'heure à laquelle
nous ne savions rien l'un de l'autre, représenté au théâtre
du Châtelet,
Paris, du 7 au 21 décembre 1994. Les 45 personnages n'échangent pas une
seule
parole pendant les 1 h 50 du spectacle.
[7]
Cette opposition
"théâtralisé-non théâtralisé", qui me permet de ne faire du débat
"théâtral-non théâtral", qu'un cas extrême du débat
"lu-joué", est explicitée à partir de la théorie de Georges Molinié
sur la "littérarisation", (Séminaire en Sorbonne 1995).
[8]
En conclusion de La
représentation émancipée, Actes sud, Paris, 1988, p.183,
Bernard DORT
écrit: "[...] la vocation même du théâtre: non de figurer un
texte ou
d'organiser un spectacle, mais d'être une critique en acte de la
signification.
Le jeu y retrouve tout son pouvoir. Autant que construction, le théâtre
est interrogation
de sens."
[9]
Je reprends ce terme au metteur en
scène Claude Régy, reconnu maintenant, tout en restant très controversé, comme le grand découvreur
du théâtre
contemporain, ( notamment Pinter, Handke, et, tout récemment,
l'irlandais
Motton) : "J'essaie toujours de faire que l'acteur ne prenne
pas à son
compte l'activité comme le nom d'acteur semblerait vouloir l'y pousser.
Je
dis souvent que je préférerais qu'on parle de passeurs, de gens qui
font passer
la substance de l'écriture dans le mental des spectateurs." Espaces perdus,
Plon, carnets, 1991,
p. 105. Valère Novarina use du même terme, passer avec,
dans sa
définition du théâtre citée en exergue.
[10]
Strictement, "La mise en place
chronologique et logique des événements qui constituent l'armature de
l'histoire
représentée." (Pavis, Dictionnaire du théâtre, opus
cité). Parfois
s'y intègrent les données sur les "caractères" des personnages. De
toute façon, ça part des personnages (production fictionnelle de niveau
actantiel II), non de la substance de l'écriture (production réelle de
niveau
actantiel I).
[11]
"Si le théâtre est - comme le
propose Antoine Vitez - le lieu où le peuple vient entendre sa langue,[...]", Jean-Pierre MIQUEL, Sur
la tragédie,
Actes Sud-Papiers, Paris, 1988, fragment 17, p15.
[12]
" Quand on va au théâtre,
aujourd'hui on a encore l'impression d'être au XIXème siècle, c'est à
dire dans
le plus grand sentimentalisme, avec le plus grand pléonasme entre ce
qu'on
croit être le sens de la phrase et une intonation naturaliste. Et, par
ailleurs, tout le théâtre, par exemple qui cherche à se dédouaner en
parlant
d'une certaine façon de Hitler, des camps, ne fait que continuer le
totalitarisme. On dénonce, on vient regarder la dénonciation pour
continuer à
être séduit. Par le système même de la langue inchangée, se réinstalle
l'emprise de la chose. On a tous en nous des fibres de totalitarisme,
d'extermination. Et en dénonçant cela dans la vulgarité d'un
vraisemblable de
pacotille, les metteurs en scène réveillent toutes ces pulsions-là."
(Claude Régy, Espaces perdus, p.99). On ne saurait
mieux dénoncer les
dangers de ce feuilleté "politico-idéolologico-esthétique !
[13]
Même aux sens où Stanislavsky et
Brecht entendaient
ces mots et les ont
rendu magiques pour la formation de l'acteur selon l'institution !
[14]
A. BERRENDONNER, Eléments de
pragmatique linguistique, Editions de minuit, Paris, 1981.
[15]
Il y a là, comme dans tout l'art
verbal, un concept de "graduation" dans un continuum du plus ou moins
théâtralisable, dans le sens où Georges Molinié parle du plus ou moins
littérarisable. La pièce
de Peter
Handke, déjà citée, note 6, p.2, ne comporte aucun dialogue entre des
"gens" qui ne font que se croiser sur une place. La théâtralité est
donc bien d'abord une affaire de corps, de
préférence dévoreur,
de paroles comme de chair, puisque Valère Novarina voit l'acteur comme
un avaleur
carnassier, ce que son dernier spectacle réalisera
concrètement puisque,
dans sa version scénique, La chair de l'homme
s'ouvrira sur un repas.
Pour sa part, Roland Barthes évoque dans Roland Barthes, (Seuil,
écrivains de toujours, 1975, p.180), comme exemple "convaincant" de
la théâtralité absolue, une scène de wagon-restaurant.
[16]
Émile Copfermann, Conversations
avec Antoine Vitez, P.O. L. 1999, page 35.
[17]
Le caractère symétrique de l'axe
"acteur-acteur", loin de diminuer l'activité créatrice de
l'énonciation d'acteur, la renforce, puisqu'elle est "techniquement"
garante de la nécessité de "parler ici et maintenant".
[18]
Avec toutes les réserves à apporter à
cette notion de "récepteur" que l'on ne ressentira pas de la même
manière selon qu'on est sociologue ou sémioticien. Pour mieux saisir ce
distinguo, citons Approches de la réception, auteurs cités: "Disons,
pour le marquer plus
crûment, que la sociologie ne perd jamais de vue qu'il y a des lecteurs
exclus
aussi bien que des lecteurs élus et d'autres obligés, quand la
sémiotique,
somme toute n'a pas à se préoccuper de la question du lecteur exclu ou
élu,
puisqu'elle examine des parcours possibles en postulant qu'ils peuvent,
un jour
ou l'autre, occuremment être activés.", (p.301).
Les deux
"états" que nous évoquerons ici, sont évidemment traversés par les
" trois implications " de réception que Georges Molinié définit dans
son Séminaire en Sorbonne comme "réception d'archive", (celle de
"l'histoire", peu différente à la lecture et au spectacle),
"réception pathétique", (celle de celui qui se reconnaît comme
"modèle" dans l'histoire racontée), et "réception
impliquée", ( celle du "bouleversement", qui devrait être
infiniment plus envisageable dans le spectacle que dans la lecture, si
l'art
théâtral est bien "écrit pour être joué").
[19]
G. Molinié, Approches de la
réception, p. 56-60, La stylistique, PUF,
1993, p. 77-82.
[20]
Ayant fondé l'essentiel de cette étude
sur la "parole entendue", j'ai limité le terme "d'acteur" à
la fonction de
"parlant"
assurée par un "comédien", mais il est évident qu'elle ne fait sens
qu'intégrée à toutes les "actions" du théâtre: celles de l'espace,
des lumières, des décors, "co-acteurs", avec les comédiens, de
"la pièce", et non simples accessoires de figuration. Mais Appia,
Meyerhold, Svoboda, Régy et tant d'autres hommes de théâtre l'ont déjà
démontré
depuis longtemps
[21] C'était l'une des ambitions, non théorisée, de Boulimos (titre provisoire)). Peut-être ne fut-elle pas "totalement réussie", mais elle fut "honnêtement" tentée.. Et Vole mon dragon de Stanislas Nordey, d'après Hervé Guibert, comme Les cercueils de zinc, de Gabilly, Choral de François Tanguy ou Holocauste de Claude Régy, sont des "actes" qui parlent, (même avec des acteurs sourds ou muets), du Sida, de l'Afghanistan, de Sarajevo, ou des camps. (Note revue en 1998)